Colmar, le 26 novembre 2012 aux Parlementaires

Madame, Monsieur,

Toutes les réponses officielles qui nous parviennent, tant des membres du Gouvernement que des Parlementaires, suite à nos interpellations répétées pour obtenir l'égalité de traitement de tous les orphelins de « morts pour la France » au cours de la seconde guerre mondiale, sont des copiés-collés de la mandature précédente et de l'exécutif dirigé par M. Nicolas SARKOZY.

M. SARKOZY s'était formellement engagé à mettre fin à l'empilement des dispositifs et à rétablir l'égalité des droits entre tous. Il n'a pas tenu ses promesses.
Nous sommes en droit, aujourd'hui, de penser que vous ne choisirez pas la même voie de la trahison, puisque la majorité d'entre les membres actuels des parlementaires de l'actuelle majorité présidentielle, à commencer par le Président de la République et par le Premier Ministre eux-mêmes, ont signé plusieurs propositions de loi réclamant la mise à niveau pour tous les orphelins de guerre.

Les arguments qui nous sont opposés sont spécieux. Il fallait d'abord que les parents défunts aient été victimes d'actes de barbarie. Puis, devant l'incapacité d'établir des hiérarchies objectives dans la notion de barbarie, a été inventé et à nous, opposé, le terme de 1' "extrême barbarie nazie" .

Qui définit unilatéralement ce concept qui manque cruellement de bases juridiques ?

Qui veut nous faire croire qu'une mère de famille tuée dans un bombardement n'a pas souffert de la barbarie extrême de la guerre ?

Qui s'arroge le droit de considérer que les enfants d'un père mort au maquis avec les armes à la main, n'ont pas droit à la même indemnisation qu'un résistant capturé et tué par l'ennemi, alors qu'il n'avait pas d'arme en sa possession ?

Qui s'imagine que les enfants de pères incorporés de force (crime de guerre), déportés militaires par les nazis, sur le front de l'EST pour y servir de chair à canon, vont baisser les bras et continuer à laisser croire et dire que leurs pères étaient des collaborateurs ?

Notre pays est toujours très lent à mettre des mots justes sur des réalités historiques qui dérangent et donnent de lui une mauvaise image. Il préfère, à travers ses institutions, se murer dans le déni ou dans le mensonge. Cela ne lui réussit jamais. Ce sont des sources permanentes de divisions et de conflits internes qui minent l'unité nationale.

Nous, orphelins de guerre de la première et de la seconde guerre mondiale, avons le devoir de dire à notre mère patrie, celle qui, sur le papier, nous a adoptés en qualité de pupilles, qu'elle est infidèle à ses devoirs envers nous. De plus, par les décrets qu'elle a publiés en 2000 et en 2004, elle nous sépare en plusieurs catégories et discrimine celles qui ne trouvent pas grâce à ses yeux. Ce traitement différencié qui accorde de substantielles indemnisations aux unes et rien aux autres, est scandaleux et contraires aux principes de l'égalité républicaine. Votre ligne de défense, la même que celle que le gouvernement de M.FILLON a mise au point, consiste à jeter dans le débat des chiffres on ne peut plus fantaisistes.

Nous sommes encore à peine 50.000 à 60.000 orphelins en vie. Loin des millions évoqués au Parlement par le Ministre des Anciens Combattants.
La dépense annuelle actuelle pour l'Etat se monte à quelques 250 millions d'euros. Aucune commune mesure avec les 2 à 3 milliards annoncés pour affoler les parlementaires et l'opinion publique et qui proviennent du cumul évalué sur 10 ans.

Au rythme des décès que nous déplorons dans nos rangs, vous devriez être rassurés. Les survivants se compteront bientôt en milliers seulement. La dette ainsi s'éteindra.

Nous ne sommes pas disposés, voyez-vous, à vous épargner nos revendications. Elles sont justes. L'indemnisation nous est due. Vous disposez de la faculté de trouver le budget nécessaire. Pensez aux dépenses que vous engagez chaque année pour préparer des interventions militaires, pour donner à des pays en guerre la capacité de prolonger des guerres. Avec toujours à nouveau des orphelins qui traînent leur handicap tout au long de leurs existences ravagées.

Nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, de ne pas écarter d'un simple revers de main cette supplique à vous adressée. Considérez bien notre situation et la position figée adoptée par vos prédécesseurs. Elle est moralement et juridiquement intenable.

Nous vous demandons de prendre toutes vos responsabilités à l'égard des pupilles de la Nation, nation que vous incarnez.

Avec mes sentiments les plus cordiaux.



Bernard Rodenstein